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En juin, l’équipe locale de suivi écologique de Velondriake s’est rendue à Manjaboake pour transmettre ses compétences à ses premiers élèves.

C’est par une matinée ensoleillée de juin que nous avons mis notre équipement dans le bateau sur la plage d’Andavadoaka, au sud-ouest de Madagascar. Nous avions à bord notre équipement de plongée, nos manuels de relevés et notre matériel de formation, prêts pour notre séjour de trois semaines dans l’Aire marine gérée localement (AMGL) de Manjaboake, qui se trouve juste au sud de l’Aire marine protégée (AMP) de Velondriake, où nous vivons et travaillons. Avec mes collègues de l’équipe de suivi écologique (Sylvester, Patin, Ronaldo et Damas), l’équipe scientifique de Blue Ventures à Andavadoaka (Javier et James) et Dupont, notre capitaine, nous sommes partis pour une traversée d’une heure et demie à travers l’AMP de Velondriake.

Photo de famille : En bas, l’équipe Velondriake, en haut, l’équipe Manjaboake (seul Damas, le dernier à gauche, appartient à Velondriake). En bas, de gauche à droite : Sylvestre, Ronaldo, Jacks, Patin, Javier, James En haut, de droite à gauche : Julian, Falisoa, Patrick, Ericka, Tsimira, Louis, Nestor, Damas. | Photo : Javier Jimenez

L’année dernière, Sylvester, Patin, Ronaldo, Damas et moi sommes devenus la première équipe de suivi écologique de la région entièrement composée de membres de la communauté. Auparavant, la plupart des mesures de suivi étaient effectuées par des volontaires de Blue Ventures Expeditions ; lorsque la pandémie de Covid-19 a frappé, tout a changé. Javier et James nous ont formés à l’identification des espèces, à la collecte de données en mer et à l’analyse de ces données afin que nous puissions mieux évaluer l’état de notre AMP.

En tant qu’anciens pêcheurs, nous connaissions déjà le récif. Mais en combinant ces connaissances avec les méthodologies scientifiques enseignées par Javier et James, nous sommes devenus des experts locaux, ce qui est une bonne étape pour promouvoir l’appropriation locale du processus de suivi écologique. En juin, nous avons franchi une nouvelle étape : apporter notre expertise à l’AMGL voisine de Manjaboake pour former une nouvelle équipe locale de suivi écologique.

Cap sur Manjaboake

Carte de l’AMP de Velondriake et de l’AMGL de Manjaboake | Image : Blue Ventures

L’AMGL de Manjaboake a été créée en 2010 et, d’un point de vue écologique, elle est très similaire à celle de Velondriake. Il y a un certain nombre de villages dans l’AMGL, Ambatomilo étant le plus grand. Les moyens de subsistance locaux sont également similaires à ceux de Velondriake : la plupart des membres de la communauté dépendent de la pêche pour subvenir aux besoins de leur famille. Mais grâce au partenariat de Blue Ventures avec Ocean Farmers pour développer l’aquaculture villageoise et réduire ainsi la pression sur le récif, de nombreux pêcheurs se sont tournés ces dernières années vers la culture d’algues.

Comme à Velondriake, il existe à Manjaboake une association communautaire qui supervise les actions locales de préservation marine. Inspirée par le suivi écologique communautaire de Velondriake, l’association de Manjaboake nous a contactés, disant qu’elle voulait elle aussi faire des études afin de mieux comprendre comment protéger ses pêcheries.

D’une certaine façon, Velondriake est une référence que les autres AMGL de la région veulent imiter. Avec la communauté de Manjaboake, nous avions déjà mené des activités scientifiques, comme une cartographie participative de l’habitat. Cette formation en était la suite logique.” – Javier

Des communautés qui enseignent des communautés

La formation a été l’occasion pour mon équipe et moi-même de transmettre nos connaissances et de renouer avec de vieux amis. Tout comme nous, tous les participants étaient d’anciens pêcheurs – nous avons tous pêché dans la région pendant la majeure partie de notre vie, et nous nous connaissons donc tous depuis longtemps.

Parmi de nombreux candidats, sept jeunes hommes ont été sélectionnés pour participer à la formation : Louis, Tsimira, Patrick, Erick, Nestor, Falisoa et Julien. Il était important qu’ils aient une bonne connaissance du récif, qu’ils soient capables de plonger jusqu’à cinq mètres au minimum et de retenir leur respiration pendant une minute, car les relevés de suivi du récif sont réalisés soit en plongée bouteille autonome, soit en masque et tuba. En outre, ils devaient avoir une certaine confiance dans l’eau et posséder des compétences de base en matière de lecture, d’écriture et de calcul.

Dès notre arrivée, il y a eu de l’excitation dans l’air. Pour la nouvelle équipe, c’était l’occasion d’acquérir de nouvelles compétences, de s’appuyer sur leurs connaissances traditionnelles de la mer et d’ouvrir de nouvelles possibilités pour leur préservation du milieu marin. Ils étaient vraiment heureux d’être nos étudiants car ils étaient inspirés par ce que nous faisons à Velondriake. Le fait que nous soyons des gens de la région nous a également aidés ; nous avons pu leur enseigner dans la langue locale et, en tant qu’anciens pêcheurs, nous avons partagé de nombreuses expériences.

Je pense qu’il est vraiment important que nous soyons ceux qui enseignent à la nouvelle équipe. J’ai un bon niveau de compréhension des sciences marines et je ne veux pas garder cela pour moi. J’étais enthousiaste à l’idée de partager mes connaissances avec la communauté de Manjaboake afin que nous puissions tous appréhender la mer de la même manière.” – Damas

La formation

Tout au long des trois semaines de formation à Manjaboake, chaque matinée a commencé dans l’eau, suivie d’un après-midi de théorie. Au cours de la première semaine, nous nous sommes concentrés sur l’apprentissage des compétences de base pour effectuer des relevés et sur la présentation des aspects théoriques essentiels. La deuxième semaine, nous avons testé ce que les étudiants avaient appris jusque-là, dans l’eau et hors de l’eau. La dernière semaine a été consacrée à la saisie et à l’analyse des données, afin de tout mettre en pratique.

La nouvelle équipe a appris des choses très similaires à ce qu’on nous avait enseigné l’année dernière, mais il y avait une différence cruciale, comme l’explique Javier : « A Manjaboake, nous avons adopté une approche plus axée sur la pêche, car ici, ils sont vraiment préoccupés par le maintien de leurs moyens de subsistance ». Cela signifie qu’au lieu d’adopter une approche strictement écologique (enregistrer toutes les espèces d’un écosystème entier) comme nous le faisons à Velondriake, nous avons réduit la liste des poissons étudiés, en répertoriant uniquement les principales espèces ciblées par les pêcheurs, comme les vivaneaux, les mérous, les empereurs, les carangues, les poissons-perroquets et les poissons-lapins. Cette adaptation de l’approche était essentielle pour garantir que la formation soit adaptée aux besoins de la communauté de Manjaboake. Elle s’aligne également sur les approches de gestion de la pêche adoptées par d’autres communautés locales dans l’Ouest de l’océan Indien.

Cette approche a également permis aux participants de ne pas avoir à apprendre trop de noms d’espèces en anglais, ce qu’ils trouvaient le plus difficile – le fait de savoir nommer les poissons en anglais permet de partager les informations recueillies dans le cadre des relevés avec les plateformes mondiales de collecte de données sur les récifs coralliens, telles que mermaid.
Dans une communauté dépendante de la pêche comme Manjaboake, de nombreux jeunes garçons abandonnent l’école très tôt pour aller pêcher et commencer à subvenir aux besoins de leur famille, ce qui peut entraîner un faible niveau d’alphabétisation. Nous avons fait en sorte que la formation soit aussi accessible que possible et avons tout expliqué clairement, en leur rappelant qu’il y a moins d’un an, nous étions en formation tout comme eux. La bonne ambiance qui régnait sur le bateau nous a permis de nous amuser tout en apprenant – nous avons tous bien ri lorsqu’un membre de l’équipe a accidentellement appelé un poisson-perroquet « Patrickfish » (l’un des étudiants s’appelle Patrick) au lieu de parrotfish en anglais !

Comme Sylvestre me l’a confié à la fin des trois semaines, le développement de l’équipe était incroyable à voir : « J’ai vraiment observé un changement chez mes étudiants par rapport au début. Ils ont commencé à comprendre des choses qu’ils ne connaissaient même pas il y a trois semaines, et il est clair qu’ils comprennent vraiment l’importance de ce travail. Ils connaissaient déjà la mer, mais maintenant il y a eu un changement dans leur cœur : ils veulent la protéger. »

Un travail en cascade

Notre espoir pour l’avenir, c’est qu’en réalisant ces relevés et en apprenant de nouvelles méthodologies de recherche, nous serons en mesure d’apporter des changements dans notre LMMA.” – Nestor

Comme lorsque nous avons bouclé notre formation à Velondriake, il y a maintenant de la passion dans l’air à propos de ce que l’avenir pourrait réserver aux communautés de Manjaboake. Grâce à ces nouvelles compétences, l’équipe de suivi écologique peut travailler avec l’association de Manjaboake pour prendre des décisions plus éclairées pour leurs ressources marines. L’équipe a choisi neuf sites de relevé qu’elle étudiera chaque semaine, et nous leur rendrons visite tous les mois pour suivre l’évolution de leur travail. Ils ont appris à faire une première analyse élémentaire des données recueillies lors de leurs relevés afin de pouvoir informer immédiatement leurs communautés sur la santé de leurs principaux habitats marins et de leurs pêcheries.

Nous espérons mener d’autres formations dans le centre et le nord de l’AMGL de Manjaboake, et nous rendre dans d’autres AMGL de Madagascar pour partager ce que nous avons appris, et aussi former des femmes sur le suivi écologique, dont cinq candidates qui feront partie de la première équipe féminine. « Nous travaillons sur une boîte à outils pour le suivi écologique afin de pouvoir étendre cette formation à toute la côte », a dit Javier. « Je souhaite que les différentes AMGL puissent travailler en collaboration et accroître l’autonomie des communautés dans la gestion de leurs pêcheries et de leurs données écologiques. »

Je suis reconnaissant à Javier et James de nous avoir appris à faire des relevés sur le récif ; s’ils n’avaient pas été nos professeurs, nous n’aurions pas pu devenir nous-mêmes des enseignants. Maintenant que nous possédons les connaissances nécessaires, nous avons la capacité d’enseigner à d’autres membres de la communauté comme nous. C’est un travail en cascade qui, je l’espère, se poursuivra dans les années à venir.


Par Jacks (Mahagaga Ange)

Jacks fait partie de la première équipe communautaire de suivi écologique à Andavadoaka.


 

Posted by Blue Ventures

Blue Ventures is an award winning marine conservation charity. We rebuild tropical fisheries with coastal communities. On our Beyond Conservation blog you can hear voices from the front line of marine conservation written by our staff and volunteers.

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